Direction artistique
Bérangère Jannelle






Créé le 6 octobre 1868 au Théâtre des Variétés à Paris

La Périchole


Opéra bouffe en trois actes de Jacques Offenbach 


Synopsis

À Lima, au Pérou, on célèbre la fête du Vice-roi au cabaret des trois cousines, le Vice-roi et ses acolytes se glissent incognito dans la foule pour sonder les esprits. Deux chanteurs des rues, la Périchole et son amant Piquillo n’ont guère de succès, même pas l’argent pour se marier. Alors que Piquillo s’éloigne, la Périchole s’endort pour tromper sa faim. Le vice-roi, subjugué par sa beauté lui propose de devenir demoiselle d’honneur. La Périchole n’est pas dupe mais au comble de la faim, elle accepte et rédige une lettre d’adieu à Piquillo. Celle-ci le plonge au désespoir et il veut se pendre. Heureux hasard, il est sauvé par le premier gentilhomme de la cour qui cherche un mari à la future favorite du vice-roi pour respecter les apparences. Après avoir été rassasiés l’un et l’autre et aidés par les alcools, le mariage est célébré, sans que Piquillo n’ait réalisé l’identité de son épouse.

Le lendemain, dégrisé, Piquillo fait savoir qu’il en aime une autre et veut la retrouver. Il doit préalablement présenter officiellement son épouse au vice-roi. Quand il découvre que la Périchole est la maîtresse de celui-ci, il éclate de fureur, insulte le monarque et est aussitôt expédié au cachot, comme tous les maris récalcitrants.

En prison, la Périchole vient visiter son Piquillo. Après un mouvement d’humeur de sa part, elle l’informe qu’elle n’a pas cédé aux avances du roi, et qu’elle va corrompre le geôlier. Celui-ci se présente mais n’est autre que le vice-roi déguisé, qui les fait enfermer tous les deux. Une fois laissés seul, un vieux prisonnier les fait évader par le tunnel qu’il a creusé.

Les trois évadés se retrouvent en ville, mais sont identifiés par une patrouille et le vice-roi qui se présente aussitôt. La Périchole et Piquillo chantent leurs malheurs, ce qui attendrit le roi qui, magnanime, les laisse partir.


A propos de la Périchole

Il y a dans La Périchole un air de satire politique dans un Pérou reconstruit par la fiction.

Pour le public européen, cet air « exotique » faisait sonner avec une ironie malicieuse les notes grinçantes du règne de Napoléon III à la fois autoritaire et nationaliste. Le Second Empire vacillant, hanté par le spectre révolutionnaire, venait de s’abîmer dans sa tentative manquée de renverser une république et de mettre en place un empire latin au Mexique… Entre fiction et actualité, les patrouilles d’Offenbach et de Napoléon III divaguaient en chœur…

Aujourd’hui, à travers La Périchole, résonnent pour nous les bottes d’une Amérique latine forte d’une histoire qui s’actualise jusque dans les dictatures récentes. Elle oscille, entre rire et mélancolie, gravité et burlesque dans un onirisme qui se joue des dissonances du réel.

On pense alors à Chaplin, lorsque Offenbach met en musique l’outrance infantile et l’équilibre maladroit d’un pouvoir chancelant et que le chœur populaire chante malicieusement :

« C’est lui, c’est notre Vice-roi, nous le reconnaissons très bien mais il faut qu’il n’en sache rien… » quand le Vice-roi, fringant entonne à son tour « sans en souffler mot à personne, par une porte du jardin, laissant là-bas sceptre et couronne, je me suis sauvé ce matin… »

Ainsi d’un pays à l’autre, d’une époque à l’autre, c’est encore aujourd’hui le miroir satirique et tendre que l’œuvre d’Offenbach tend à notre propre actualité, déguisée, costumée. Public et intime à la fois. L’œuvre ne fait qu’osciller entre ces deux registres, graves et légers tous les deux. C’est pourquoi, tout en jouant avec le comique, cette dernière nous émeut profondément.

Suivant les notes sautillantes d’Offenbach, notre Périchole se faufille dans les décalages burlesques et tragiques qui existent entre l’amour, et la réalité contraignante du pouvoir, d’une société. Car c’est bel et bien sur cet amour contrarié entre la Périchole et Piquillo, entre le Vice-roi et la Périchole que s’écrit l’ensemble de l’œuvre : amoureuse, donc. Et follement. Et à en pleurer, parfois.

Il y a dans La Périchole un insatiable besoin d’aimer et d’être aimé qui se décline avec toutes les tonalités amoureuses possibles : désir, tendresse, passion, perversion, affection…

De la tragédie intime de « La Lettre » à la comédie grotesquement ambigüe du « rondo maris récalcitrants », l’œuvre n’échappe à aucun sentiment sincère, comme à aucun fantasme, aucune fantaisie. Au contraire, le sentiment est toujours pris à bras le corps.

C’est ce qui fait que les amants et les acteurs/chanteurs sont entièrement mus par le désir, qui est aussi celui de se raconter des histoires et d’être sincère, d’être unique tout en jouant plusieurs rôles. Pour le désir intense de vivre, pour le plaisir de jouer et d’être aimé par tous en faisant don du spectacle.

C’est pourquoi on peut dire que La Périchole porte d’une certaine façon le nom de toutes les artistes et de toutes les actrices libres en quête de gloire et d’amour vrai. Légère et terriblement vivante, c’est elle qui chante cette musique amoureuse et sensuelle qui nous bouleverse et qui ouvre en même temps les brêches des prisons, ébranle les empires et nous emporte de scène en scène, émus et lucides à la fois.

Bérangère Jannelle, octobre 2008

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Direction musicale :  Jean-Claude Casadesus

Mise en scène :
Bérangère Jannelle